Tahiti Pacifique: volontiers provocateur, un zest de dérision, et une vue bien du fenua, c'est vite lu, mais plein de la naive (?) sagesse polynésienne
Petits moutons...
Alertes au cyclone Oli, alerte au tsunami en février… Devenons-nous à Tahiti les victimes de changements climatiques, voire tectoniques ? Rien n’est moins sûr, mais par contre, il est certain que nous devenons les victimes de mutations bureaucratiques majeures.
Evolution de société serait une expression plus exacte. En effet, ces deux derniers phénomènes naturels ont dévoilé comment, malgré la vaste farce politique de « l’autonomie » si chère à nos politiciens, on est en train d’imposer à la Polynésie française le modèle métropolitain du système d’un Etat “cocon” qui s’est auto-déclaré responsable de tout, etc. Je m’explique :
« Alors, tu as survécu au cyclone (i.e. le tsunami) ? » m’ont demandé des amis hors du Territoire, et je leur ai répondu « oui, j’ai survécu à l’hystérie de l’alerte au cyclone » qui, de fait, a été bien plus dangereuse, puisque aux Îles-du-Vent la seule victime de ce phénomène est un jeune homme tabassé (massacré serait plus juste - lire en page intérieure) par des policiers pour n’avoir pas respecté le couvre-feu imposé par l’Etat (qui sera d’ailleurs levé 5 minutes après le tabassage).
Peut-être était-ce à cause de la présence de la ministre de l’Outre-mer juste arrivée à Tahiti, mais il est indéniable que la (lointaine) approche du cyclone a déclenché une frénésie, voire une hystérie au sein des « cellules de crise » par un groupe de fonctionnaires qui pratiquement tous n’avaient jamais vécu un cyclone ou ouragan dans leur Cantal ou lac d’Enghien natal, ni sur les sièges bien rembourrés de l’ENA. Or que peut faire un fonctionnaire pour paraître « efficace » face à une force de la nature qu’il n’a aucun moyen de contrôler, même avec leur “bombinette” ? Soit réciter encore une fois ce qui et écrit dans le livret de préparation à un cyclone (ah, si ce n’était qu’une fois !), soit INTERDIRE. C’est donc ce qui a été fait, on a instauré un couvre-feu, interdit à la population de circuler (à Tahiti après 21 heures alors que le cyclone était déjà passé - il fallait bien que les gens puissent rentrer chez eux), ce qui a fait que les gendarmes et policiers, normalement supposés aider la population, ont passé leur temps à faire du répressif : « voyez ce criminel, il ose rouler sur la route alors que la jolie dame aux lunettes du haut-commissariat (experte car depuis plus d’un mois à Tahiti) a dit que c’est interdit ! » Ce qui a donné des situations aberrantes, tel cet homme de Moorea réputé pour son habilité technique, qui a déjà vécu trois cyclones majeurs en 35 ans et qui, suite à un appel, allait avec son pick-up rempli de cordes attacher le toit de la maison d’un vieil homme infirme et vivant seul. Après 5 kilomètres de route (un peu de vent, rien d’autre), alors qu’il n’est qu’à 150 mètres de la maison du vieux terrorisé, il est stoppé devant la gendarmerie par des gardes mobiles (fraîchement arrivés de métropole) qui, n’ayant aucune connaissance locale, lui interdisent - courtoisement, mais fermement - de passer malgré ses explications détaillées. « Un ordre est un ordre ! Rebroussez chemin ! Appelez les pompiers ! » Même si le vieux devait en crever…
L’alerte au tsunami aussi a eu ses moments cocasses. On a alerté la population à 3 heures du matin pour aller se réfugier « tout de suite » pour échapper aux vagues qui arriveront à… 8heures, avec « interdiction de circuler à 500 mètre de la mer », plutôt difficile non seulement sur un motu large de 200 à 300 mètres, mais même à Tahiti où la bande côtière - donc toutes les routes) dépasse rarement cette largeur. Tout comme « se réfugier sur les hauteurs » est bien sur les atolls. Mais encore, lorsque le tsunami est passé à l’île de Pâques à 3 heures du matin, on savait déjà qu’il était insignifiant, confirmé par les satellites. Il sera de 50 cm à Papeete 5 heures plus tard. Et heureusement qu’un tourbillon de 4 mètres s’est formé à l’entrée du port d’Atuona aux Marquises. Ce qui permet de dire « Voyez, on avait raison ! » et à un ministre de faire le voyage « pour soutenir les sinistrés » à nos frais.
Un tout qui démontre comment nos îles sont entrées dans l’ultime phase de la « mission civilisatrice », le règne des bureaucrates et officiels omnipotents qui dorénavant contrôlent tout, pensent pour vous, décident ce qui est bon ou mauvais pour le citoyen et lancent des dictats face auxquels la raison, le bon sens populaire ou la logique n’ont plus droit de cité. Citoyen contribuable lambda, si tu n’es pas un officiel, si tu ne portes pas d’uniforme, si ta voiture n’a pas un gyrophare (*) , alors mamu (tais-toi), tu n’as pas le droit de réfléchir, de prendre de responsabilité, d’agir avec intelligence . Surtout obéis, écrase, soit docile, petit mouton ! “Big Brother” veille sur toi, s’occupe de tout. Tu es dorénavant déresponsabilisé ! En cas de cyclone, terre-toi et dorénavant rappelle-toi que le vrai danger ne vient plus du vent ni de la houle, mais du gendarme…
Comment ont-ils pu transformer ainsi la société de nos îles ? Et surtout comment se fait-il que personne ne s’en aperçoit ? Petits moutons…
(*) Avec surprise, nous avons découvert qu’à Tahiti même certains corbillards avaient un gyrophare… Même les morts ont la priorité, ne peuvent plus attendre !
Alex W. du PREL
directeur de la publication
Je ne peux m'empêcher de faire des rapprochements....
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